Enregistré en septembre 2012
Conception, recherche, édition : Michèle Néplaz-Dalmau
Sous l'Ancien Régime, les armées étaient composées de soldats de métiers. Les agents recruteurs faisaient signer un engagement à de jeunes célibataires qui partaient pour plusieurs années au service des rois, tandis que les charges d'officier, qui s'achetaient, étaient réservées aux nobles.
La conscription est une invention de la France révolutionnaire. La plupart des pays Européens l'utiliseront par la suite, dès le début du XIXe siècle.
Intervenants : Bernard Neplaz, Robert Favre, Georges Gillermin, Bernard Pitte et Jacques Ticon
Musiciens : Hélène Lavorel, Alain Majournal, Philippe Masson et Frédéric Mirlit
Diaporama : Serge Leclerc
Remerciements : Jean-Bernard Courtot, Céline Deville, CLaude Mazar, Sandrine Mazar
Sous l'Ancien Régime, les armées étaient composées de soldats de métier. Les agents recruteurs faisaient signer un engagement à de jeunes célibataires qui partaient pour plusieurs années au service des rois, tandis que les charges d'officiers, qui s’achetaient, étaient réservées aux nobles.
La Conscription est une invention de l’époque contemporaine et, plus précisément, de la France révolutionnaire. La plupart des pays européens l’utiliseront par la suite, dès le début du XIX° siècle.
La conscription, c'est l'inscription sur les rôles de l’armée des jeunes ayant atteint l’âge légal pour effectuer le service militaire.
Mais conscription ne signifie pas nécessairement « service militaire ». Cela dépend des lieux et des besoins de l’armée.
Avant 1860, date du rattachement de la Savoie à la France, conscription et service militaire n’ont pas la même réalité si l’on est savoyard ou français.
— En Savoie, les jeunes conscrits ayant répondu aux critères médicaux sont presque tous soumis au service militaire et partent pour quelques années servir le roi de Piémont-Sardaigne, en ses terres italiennes. Commandés par des officiers piémontais qui ne parlent que l’italien, empêchés de toute promotion, ils ressentent une grande amertume, Au point que, lors du rattachement de la Savoie à la France, l’un des arguments des pro-français est « Plus de service militaire ! ».
— En France, le système est plus coulant. Il repose sur la loi Jourdan de 1798 : « tous les hommes doivent effectuer un service militaire de 5 ans », sur le décret napoléonien du 29 décembre 1804 qui met en place «les conseils de révision» et le «tirage au sort», et enfin sur la loi du 10 mars 1818 qui porte le service militaire à six ans. Mais, entre les réformés, les exemptés, le tirage au sort et la possibilité de s'offrir un remplaçant, un tiers seulement des conscrits effectue le service.
Après 1860, les jeunes savoyards, ceux de Sciez comme les autres, entrent dans le système français. Dans leur vingtième année, tous les jeunes gens d’une commune sont réunis au chef-lieu de canton pour passer devant une commission composée du maire de la commune, d’un officier de recrutement, d’un officier de gendarmerie et d’un docteur ; c'est le « Conseil de révision » qui pour les jeunes de Sciez se passe à Thonon. En sont exemptés les instituteurs, les ecclésiastiques et les soutiens de famille.
Tous les autres, totalement « à poil », passent d’abord un examen médical. Une taille insuffisante (moins de 1,544 m), une difformité des membres, une mauvaise dentition, un problème de vue, un goître… entraînent la réforme. Certains sont simplement ajournés : ils repasseront l’année suivante.
Les rescapés de cette première étape sont ensuite soumis à la « désignation », c’est-à-dire au tirage au sort, au terme duquel le préfet « proclame » ceux qui font partie de l’armée active et ceux qui font partie de la réserve. Chaque canton en effet doit fournir, au prorata de sa population, un nombre d'hommes pour le service actif.
La durée du service militaire pour ceux qui ont tiré un bon (ou mauvais !) numéro sera réduite à 5 ans en 1872, puis à 3 ans en 1887.
Le 21 mars 1905, le général André, ministre de la Guerre et républicain de conviction, fait voter une loi qui marque l’entrée de la conscription dans la modernité.
Le conseil de révision est maintenu mais le tirage au sort est supprimé, ainsi que la possibilité de payer un remplaçant. Les exemptions sont réduites et la notion de sursis est introduite.
C'est un grand progrès de la notion républicaine d'égalité.
De 1905 à 1965, la durée du service militaire a varié en fonction des tensions internationales et des aléas de la décolonisation. Elle est portée à 3 ans en 1912 (passons sur la période 14-18), réduite à 1 an en 1928 puis relevée à 2 ans en 1936.
Pendant la guerre de 39-45, la conscription est supprimée, pour être rétablie en 1946. Le service militaire est alors fixé à 1 an, puis porté à 18 mois en 1950.
Pendant la guerre d’Algérie, la durée légale est toujours de 18 mois mais les appelés sont maintenus sous les drapeaux au-delà de cette durée, Jusqu’à 24 mois, ils sont ADL (Après la durée légale), voire Super ADL et touchent alors une solde, Certains iront jusqu’à 30 mois.
A partir de 1963, la guerre d'Algérie étant terminée, la durée légale est ramenée à 16 mois. La loi Messmer de 1965 remplace le « service militaire » par le « service national». À côté du service armé est alors introduite la possibilité d’un service technique ou de coopération. Le conseil de révision est supprimé mais it y a toujours une procédure de conscription : « les 3 jours »,
Le service militaire est ramené à 1 an en 1970 puis, au terme d’une longue procédure parlementaire, la loi du 8novembre 1997 et son décret d'application du 27 juin 2001 mettent une fin définitive à la conscription.
Désormais la France n’a qu’une armée de métier.
Pendant un siècle, des années 1860 aux années 1960, le conseil de révision a été un moment important de la vie des jeunes français, un rituel incontournable marquant le passage à l’âge adulte et s’accompagnant de manifestations festives et symboliques pour lesquelles les conscrits de Sciez, Anthy et Margencel se regroupent.
Ces festivités varient suivant les années. Parfois sont organisés des bals, avec tombola, pour se procurer un peu d'argent. Mais ce n’est pas toujours le cas. Ce qui est par contre incontournable, c’est le rituel qui accompagne le conseil de révision.
Celui-ci a lieu au printemps, l’année des 19 ans.
A leur sortie du conseil de révision, les conscrits achètent cocardes et chapeaux que leur vendent des marchands ambulants de bimbeloterie. C’est signe de leur virilité et de leur engagement patriotique. Etre réformé est parfois considéré comme une tare…
De Thonon à Anthy, à Margencel et à Sciez, ils entreprennent alors une «tournée », Certaines années, ils s'offrent les services d’un musicien « expérimenté » pour les accompagner. D’autres fois, ils se contentent d’une grosse caisse et d’un clairon, l'essentiel étant de faire beaucoup de bruit.
Ils font le tour de toutes les familles des conscrits et des conscrites : les jeunes filles de leur âge. Chaque famille tient à recevoir l’ensemble du groupe et offre gâteaux et charcuteries. Les réceptions sont bien arrasées, surtout si l’on est du côté de Marignan, d’Excuvilly ou de Chavannex.
Cela peut durer une semaine. On dort sur place dans les granges ou les fenils. On rentre parfois chez soi pour changer de chemise et on repart à pied, plus tard en char tiré par un tracteur. A Pâques, dans l'annexe derrière chez « Pellut », a lieu le « bal des 20 ans »{en réalité les jeunes ont 19 ans puisqu’à 20 ans, ils sont « sous les drapeaux »).Ensuite, fin mai ou début juin mais toujours un Samedi, a lieu, très souvent, « chez Pellut » (l’hôtel des voyageurs) un grand banquet qui réunit conscrits et conscrites. C’est le « banquet des 20 ans ».
A l'automne suivant, pour les « bons pour le service » et sur convocation individuelle, les « 3 jours » (en fait 1 jour et demi) se passent à Lyon, au camp de la Doua. L'année suivante, c’est le départ pour l’armée. La fête est terminée, la réalité commence.
Bien sûr, dès le début du siècle, ces moments exaltants se doivent d’être immortalisés par la photographie et on fait appel pour cela à un photographe professionnel.
Ce sont ces photographies que vous présente ce DVD, fruit de plusieurs années de recherche effectuées par Michèle Dalmau.
La plus ancienne est celle de la classe 1908 (natifs de 1888), la plus récente date de 1965, année du dernier conseil de révision.
Durant la période 1940-1945, malgré la suppression de la conscription, les jeunes de 20 ans se réunissaient et quelques photos d'amateurs ont survécu.
La série n’est cependant pas complète et, sur les documents les plus anciens, certains visages n’ont pu être identifiés. Si dans vos archives familiales dort une photo manquante, ou si vous arrivez à mettre un nom sur un visage inconnu, merci de le signaler au Club du Patrimoine. Ces images d'archives font en effet partie de notre patrimoine. Année après année, elles fixent le passage rituel de la jeunesse à l’âge adulte.
Au-delà de l’évolution des tenues vestimentaires, on perçoit sur les drapeaux ou sur les visages l'enthousiasme juvénile mais aussi la crainte de l’avenir et, pour les plus anciennes, quelque esprit revanchard. Mais toutes témoignent d'un moment important de la vie: c’est un groupe d'âge qui nous est restitué : «Les Conscrits ».
Les conscrits en photo
1906
1909